Après avoir déclarée éradiquée dans la province de l’ex Equateur, la fièvre Ebola refait surface dans le Nord Kivu et particulièrement à Beni et ses environs. Le communiqué du Ministère de la Santé rendu public au début de cette semaine a fait l’effet d’une bombe tant dans la capitale que dans d’autres provinces, s’est exclamé un expert de l’ONU qui réclame un appel pathétique aux organisations internationales pour une assistance de grande envergure en vue de prévenir d’autres catastrophes aux conséquences fâcheuses au sein des populations rurales.
Ragaillardies par les efforts du intenses et la mobilisation remarquable consenti par le gouvernement et les organisations sanitaires déployés par des Ong locales est internationales dans la partie sud de la province de l’Equateur, particulièrement dans les localités de Bikoro, les autorités sanitaire et politique avaient salué l’éradication de cette fièvre. La recrudescence inattendue de cette épidémie dans la nord Kivu vient réveiller les consciences et rappelle les différentes causes de à l’origine de cette tragédie.
Précarité des infrastructures sanitaires
Alors que cinq à six ans après l’indépendance, les Sud-Africains, des Asiatiques et même des Européens venaient se faire soigner dans les hôpitaux du Congo. Suite aux guerres de la rébellion et les multiples crises politiques qui s’en sont suivis, la situation s’est dégradée terriblement à travers tout le pays. L’état des infrastructures hospitalières, notamment les hôpitaux de référence et autres centres de santé s’est détérioré à une telle allure qu’à ce jour, l’on a à faire à des mouroirs. Les bâtiments qui servaient de dispensaires et qui faisaient la fierté des villages et d’autres localités rurales ne sont plus que des pieux souvenirs ou ont été transformés en habitations par certains petits chefs locaux. Alors qu’à l’époque, le suivi médical et sanitaire était entretenu par des médecins et assistants médicaux, l’absence des voies des communications et des moyens de transports a encore aggravé le secteur sanitaire du pays.
Distraction politique
Outre les différentes guerres de libération orchestrées par des mouvements politico militaires qui ont sévi depuis l’aventure de l’AFDL ont eu pour comme effet particulier de servir d’élément de distraction non seulement auprès des populations, toutes tendances confondues, mais aussi aux acteurs sociopolitiques et pourquoi pas aux partenaires extérieurs. Le pays ne respire plus et ne vibre plus qu’au son et au rythme des préparatifs des élections pourtant hypothétiques au regard des agendas cachés de laboratoire politiques proches tant du pouvoir que de l’opposition.
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Par ailleurs et c’est là où le bât blesse, l’absence d’une politique sanitaire fiable à la suite d’un budget très maigre alloué au secteur de la Santé ne permet pas au gouvernement de la République d’aligner des stratégies de prévention et de détection rapide des épidémies.
La responsabilité des acteurs politiques est indéniable dans cette tragédie sanitaire du fait de la modicité du budget alloué au secteur médical. Le Kinois a encore en mémoire fraiche cette image du grand dépôt central médicopharmaceutique situé au camp Ndolo non loin de la prison militaire. C’est à ce niveau que le gouvernement disposait des entrepôts pour stocker les produits pharmaceutiques et matériaux médico sanitaires ainsi que des laboratoires équipés pour les contrôles, examens et tests des produits destinés à la consommation. Tous les produits et matériaux médicosanitaires fabriqués localement et importés devraient passer par cet organisme scientifique étatique avant d’être vendus ou envoyés dans des centres pharmaceutiques et sanitaires du pays, privés ou de l’Etat.
L’histoire renseigne qu’en 1965, une maladie bizarre dénommée « Bwaki» s’était déclarée au sud Kivu et plus particulièrement dans les territoires de Kabare et Walungu. Cette maladie avait causé en un temps record, le décès de nombreux enfants en bas âge. Il s’était agi, après recherche scientifique et examen approfondi, d’une maladie due à la malnutrition, dans une région très riche sur le plan agro pastoral. Les coutumes traditionnelles n’offraient pas un régime en calories car on ne servait aux enfants en bas âge que les haricots et la patate douce, sans sel ni huile. Une campagne internationale avait fait appel aux experts scientifiques provenant des cinq continents et abouti à ces résultats qui avaient sauvé des centaines des milliers d’enfants. Le gouvernement de l’époque avait mis les moyens à la disposition des organisations caritatives pour voler au secours des populations. C’est ce genre de campagne dont on a besoin, en ce moment où cette épidémie semble présenter des résistances inattendues au risque de se répandre à travers toute la République.
Pour rappel, cette épidémie avait démarré dans la province de l’Equateur sous le nom de fièvre de Marbourg ou Yambuku, du nom de la localité où elle avait sévi vers les années 1977. Elle ressuscitera plus tard à Kikwit en 1994. Elle vient de frapper à Bikoro et tout récemment au Nord Kivu.
Tiré du Phare n° 5860 du 03/08/2018