Les risques de l’auto-prescription et de l’auto-médication

En RDC, le réseau de distribution des médicaments est si anarchique que des phénomènes d’auto prescription et d’auto médication sont aggravés par des abus de toutes sortes. Abus d’autant plus choquants qu’ils exploitent la pauvreté, l’ignorance, et le dénuement de la population aussi bien que l’impuissance et l’incurie des pouvoirs publics.

Il reste donc beaucoup à faire pour que le médicament apporte la juste réponse aux besoins sanitaires de l’ensemble de la population.

Il n’est un secret pour personne que le traitement médical est indispensable dans la plupart des cas à la thérapeutique.  Malheureusement, depuis de longues années, une réalité  dont il faut tenir compte aujourd’hui en santé publique est l’auto prescription et l’auto médication.  Il s’agit d’un phénomène qui consiste à recourir au médicament et à le consommer sans une consultation médicale préalable.

Le manque des ressources financières (surtout s’il faut faire le choix entre les frais de la consultation et l’achat du médicament) amène beaucoup de gens à la logique de l’auto prescription et de l’automédication.  Par ailleurs certains malades croient à tort ou à raison être bien informés sur les questions de santé. Ces derniers se recrutent essentiellement chez les « intellectuels ».

Les modes d’approches

Il existe des modes divers selon lesquels le malade découvre  le remède ou le médicament  qu’il va consommer.  Il peut s’agir d’un médicament ou d’un remède familials ; d’un produit recommandé par la publicité ; un produit indiqué par la vox populi (rumeur publique) ou un médicament ou une spécialité recommandés par un professionnel de santé (médecin, infirmier, sage-femme).

La valeur psychologique et l’efficacité psychosomatique ne sont pas identiques pour chaque type d’approche. Ainsi donc, le remède,  suivant son origine et selon les mentalités qu’il rencontre est dépendant des espérances psychologiques différentes.

On peut ainsi parler  du remède prescrit, du remède conseillé,  du remède personnalisé, du remède personnel, du remède spécifique et enfin du remède socialisé.

Le remède prescrit.  La plus grande valorisation du médicament procède sans contexte de la confiance accordée au médecin prescripteur. Le prestige moral du médecin reste considérable dans toutes les classes de la société. Il est celui qui sait guérir. La conscience traditionnelle déplace la confiance jadis faite au guérisseur pout la transmettre au médecin. En fait il ne suffit pas de prescrire un remède, il faut aussi le présenter au patient pour que ce dernier  puisse transférer sur la thérapeutique ainsi instituée ou prescrite une partie de la confiance qu’il voue au praticien. On peut citer comme exemple le fait que des guérisseurs obtiennent parfois des résultats spectaculaires avec des drogues sans principe actif connu. C’est la pharmacie «  poste avancé de la santé publique » qui reçoit souvent en premier l’appel ou la plainte du malade. Le rôle est d’envoyer le malade chez son médecin.

Le remède conseillé.  Une autre valorisation extérieure  du médicament est la personnalité du pharmacien et ou l’atmosphère de la pharmacie. Le pharmacien ne jouit pas à priori d’une réputation aussi valorisante que le médecin, qui la doit à une longue tradition plus qu’à ses diplômes, à sa science ou à sa conscience. Le pharmacien devra sa réputation aux critères primaires et personnels. Le public n’attend pas du pharmacien  la démonstration d’une information spécialisée  mais de notions sur la diététique infantile, les plantes médicinales, l’hygiène de la peau, les infections, l’environnement, bref sur la prévention et la promotion de la santé.

Le remède personnalisé.  En règle générale, le patient accorde plus d’intérêt aux cachets fabriqués pour lui, devant lui par son pharmacien. La préparation magistrale ne représente plus qu’une survivance plus ou moins folklorique puisque l’industrie pharmaceutique  produit une variété de  médicaments d’un prix de revient bas, plus exactement dosés et d’une présentation plus attrayante. Cela n’empêche pas que l’on vive de véritables escroqueries dans l’actuel circuit de distribution : solutions très diluées, teintées par un colorant quelconque mais joliment étiquetées ; des pommades camphrées sous dosées ; des purées de tomates présentées  comme hémoglobine  etc. Encore faudra-t-il que l’officine congolaise réponde à certaines normes rigoureuses et que le pharmacien congolais soit informé à la base et en continue selon les exigences de Soins de Santé Primaires.  Dans nos milieux et surtout chez des gens d’un certain âge  on a plus foi en la piqure qu’en un produit pris par la bouche.  Les médicaments qui  frappent les sens inspirent d’avantage confiance : le liniment aux forts senteurs de salicylate de menthe ou d’iodoforme est préféré aux préparations inodores, de même que la potion bien sucrée ou très amère, d’un  beau vert ou d’un rouge soutenu, inspire plus confiance qu’un liquide sans gout, limpide et incolore.

Le remède personnel. On désignerait ainsi le remède découvert par le malade lui-même. Coix libre de quelqu’un qui entre dans une pharmacie et dit «  donnez-moi ». C’est le cas du malade qui ne fait jamais appel au médecin, sinon en tout dernier recours ? C’est soit un aveuglement maniaque, de l’orgueil ou une méfiance très souvent non justifiée.

Le remède spécifique. De quelque manière que le malade approche ou reçoit le remède, par choix personnel, recommandation ou prescription médicale il espère que ce remède soit spécifique. Ceci par besoin de la conscience commune que pose l’hypothèse  fondamentale ; telle maladie est  l’atteint d’un organe déterminé c’est lui qu’il faut atteindre par un remède direct.  Cette idée de la spécificité du remède est si forte que les malades et même les médecins s’en séparent difficilement. On pense par exemple que parce que salicylate soulage ou guéri une maladie rhumatismale, il est un antirhumatismal.

Le remède socialisé.  Une tranche moindre de nos compatriotes a droit à la gratuité des soins dans certaines sociétés ou organismes privés et paraétatiques. Ce principes de gratuité conduit malheureusement à une surconsommation et ou gaspillage qui sont nuisibles à la snté et aux finances publiques.

En définitive le médicament ayant envahi notre vie quotidienne, individuelle et collective,  un effort des pouvoirs publics et une discipline rigoureuse peuvent nous permettre d’en bénéficier réellement.

On peut obtenir le résultat d’une consommation raisonnable des médicaments par la mise en œuvre par le pharmacien des mesures d’informations préalables et ou complémentaires à toute utilisation des médicaments. Ce qui rend nécessaire que ces mesures soient prises dans de locaux appropriés. Les médicaments ne doivent donc  être dispensés qu’en pharmacie. Ainsi donc, tandis que l’information et le conseil justifient l’existence et la présence du pharmacien, la pharmacie devient le lieu privilégié de la mise en œuvre de la réalisation de l’information et du conseil à travers la dispensation.

Kabanga Kapuya

Pharmacien